Nous citons quelques témoignages qui illustrent bien la politique du Saint Siège à l'égard des États catholiques, depuis 1965 : le but en a été très officiellement la séparation de l'Église et de l'Etat et l'abrogation, en particulier, de l'article de la constitution de ces États qui reconnaissait la religion catholique comme étant la religion de la nation, ou la religion protégée par l'Etat, ou la religion de l'Etat. A l'idéal catholique est substitué, comme le lecteur pourra en juger, l'idéal maçonnique actuel : "Fraternité, tolérance, pluralisme".
§. 1. Laïcisation de l'Etat Colombien sous la pression du Vatican.
En Colombie, état à 98% catholique, on a retiré, sur la demande du Saint Siège, l'article de la Constitution qui stipule que la religion catholique est la seule qui soit reconnue par l'Etat. La raison invoquée était la dignité de la personne humaine et la liberté religieuse. Cela a eu lieu en 1973.
La Secrétairie d'Etat (le Vatican) avait fait le siège de la Présidence de la République, deux ans durant, pour arriver à cette suppression : c'est ce que Mgr Lefebvre a appris de la bouche même du Secrétaire de la conférence épiscopale Colombienne.
(source : Mgr Marcel Lefebvre, conférence à Barcelone, 29 décembre 1975.)
Dans les États dont la constitution prévoyait que "la religion catholique est la seule religion publiquement reconnue par l'Etat", ce ne sont pas les Présidents de ces États qui ont demandé de supprimer ces articles de la constitution, c'est le Saint Siège. Mgr Lefebvre a entendu lui-même les discours prononcés par le Président, par le Nonce et par le représentant de l'épiscopat Colombien. Eh bien, a-t-il raconté, le discours le plus catholique des trois fut celui du Président de la République. Les Évêques disaient : nous agissons selon les principes donnés par le Concile dans la déclaration sur la liberté religieuse, ce qui implique la liberté de toutes les religions dans l'Etat, que l'Église catholique ne soit plus privilégiée. C'était une déclaration du laïcisme de l'Etat. Le Nonce a fait un discours qui aurait été digne d'un franc-maçon. Seul le Président de la République a regretté publiquement la laïcisation de l'Etat, en ces termes : "Tant que je serai Président, moi, catholique personnellement, j'affirmerai ma foi catholique et ferai tous mes efforts pour que mon pays reste catholique et ne tombe pas dans le laïcisme et l'athéisme".
Mais la pierre angulaire ayant été enlevée, l'édifice ne pouvait que s'écrouler. C'est ce qui arriva : huit jours après, toutes les sectes protestantes réclamaient la liberté de culte au même titre que les catholiques.
(source : Mgr Lefebvre, conférence à Angers, 23 novembre 1980).
§. 2. Entretien de Mgr Lefebvre avec le Nonce Apostolique en Suisse, S. Exe. Mgr Ambrogio Marchioni, à Berne, le 31 mars 1976 :
- Mgr Lefebvre : "On peut bien voir dans le Concile des choses dangereuses (...) Dans la déclaration sur la liberté religieuse, il y a des choses contraires à ce que les papes ont enseigné : il est décidé qu'il ne peut plus y avoir d'États catholiques" !
- Le Nonce : "Mais oui, c'est évident" !
- Mgr Lefebvre : "Croyez-vous que cela va faire du bien à l'Église, cette suppression des États catholiques" ?
- Le Nonce : "Ah, mais vous comprenez, si on fait cela, on obtiendra une plus grande liberté religieuse chez les Soviets"!
- Mgr Lefebvre : Mais le Règne social de N.S.J.C, qu'en faites- vous" ?
- Le Nonce : "Vous savez, c'est impossible maintenant ; peut-être dans un avenir lointain ?... Actuellement, ce Règne est dans les individus ; il faut s'ouvrir à la masse".
- Mgr Lefebvre : "Mais l'Encyclique Quas Primas , qu'est-ce que vous en faites" ?
- Le Nonce : "Oh... le pape ne l'écrirait plus, maintenant" !
- Mgr Lefebvre : "Savez-vous qu'en Colombie, c'est le Saint Siège qui a demandé la suppression de la constitution chrétienne de l'Etat?"
- Le Nonce : "oui, ici aussi."
- Mgr Lefebvre : "en Valais ? "
- Le Nonce : "oui, en Valais. Et maintenant, voyez, je suis invité à toutes les réunions" !
- Mgr Lefebvre : "Alors vous approuvez la lettre que Mgr Adam (évêque de Sion, en Valais) a écrite à ses diocésains pour leur expliquer pourquoi ils devaient voter pour la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat" ?
- Le Nonce : "Voyez-vous, le règne social de Notre Seigneur, c'est bien difficile maintenant (...)"
(Sources : Mgr Lefebvre, conférence aux sous-diacres. Ecône, 1er avril 1976 ; conférence Angers 23 novembre 1980).
§. 3. Cas de l'Espagne
"C'est en se référant explicitement à cette Déclaration (sur la liberté religieuse) que le Général Franco modifia la législation espagnole sur les cultes". (Michel Martin, De Rome et d'ailleurs, n°62, septembre 1985, p. 12).
§ 4. Ratification du nouveau concordat entre le Saint Siège et l'Italie, 3 juin 1985 :
Discours du Cardinal Casaroli, Secrétaire d'Etat.
Le cardinal reconnaît que la réforme essentielle du nouveau concordat consiste en "l'abolition consentie par les deux parties du principe qui faisait de la religion catholique la seule religion de l'Etat".
Il invoque pour la justifier :
1) "les nouvelles situations intervenues" (entre 1929 et 1985), qu'il ne définit pas,
2) "la nouvelle Constitution italienne",
3) "la célébration du concile œcuménique Vatican II" (c'est-à-dire sans la nommer, la déclaration sur la liberté religieuse et ses conséquences dans les esprits).
Il souligne que l'abolition du principe en question n'est pas "une méconnaissance théorique et pratique" de la réalité sociale catholique italienne, exprimée comme suit dans l'article 9 de l'accord : "les principes du catholicisme sont partie intégrante du patrimoine historique du peuple italien".
Remarques :
Mais qui ne voit que cette réalité catholique est exprimée de telle façon qu'elle est réduite à un trésor relégué désormais au musée des antiquités ! Qui ne voit aussi que l'abolition de la religion d'Etat est, contrairement à ce qui est déclaré, une "méconnaissance pratique" de la réalité italienne catholique à 90%. Enfin qui ne saisit que cette abolition est l'aboutis¬sement, vingt ans après, du refus "théorique et pratique" du maintien officiel du règne social de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans les nations catholiques !
Discours du Pape Jean-Paul II en réponse à l'adresse du Président Craxi.
Le pape a le mérite de définir "les nouvelles situations intervenues" (comme disait le Cardinal Casaroli) : une société caractérisée par la libre compétition des idées et le pluralisme...", qui doivent favoriser "la profonde unité d'idéaux" des italiens, "frères dans une même patrie" ; ajoutant que "précisément, la forme de gouvernement démocratique que s'est donnée l'Italie offre l'espace et postule la présence de tous les croyants".(entendons : de toutes les religions) Le pape définit de plus la mission actuelle de l'Église : promotion des valeurs sociales, des "valeurs morales", "engagement au service de l'homme, repérant dans la centralité de celui-ci le principe de convergence à l'époque actuelle des croyants et des non-croyants".
Il invoque enfin "l'autonomie de l'ordre politique", désignant par là la séparation entre l'Église et l'Etat.
Remarques :
Le pluralisme idéologique et religieux est décrit en termes parfaitement neutres en donnant à penser qu'il s'agit d'un phénomène définitivement installé et irréversible ; on ne porte sur lui aucun jugement, comme si c'était le terme d'un mouvement parfaitement normal auquel l’Église se devait de collaborer.
Veut-on ignorer que l'on a prêté ainsi depuis vingt ans la main à la révolution et au renversement du Règne social du Christ, remplacé par une fraternité entre idéaux diamétralement opposés, condamnée par les papes, et d'inspiration maçonnique ?
Enfin "l'autonomie de l'ordre politique", nous dirions "autonomie du temporel par rapport au spirituel", n'est-elle pas une maxime équivoque, qui recèle le principe erroné de la séparation des deux ordres ?